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La Passion de Ravensbrück

Il sort du rang

s'arrête dans un carré de silence.

Comme une image projetée vacillent

la casaque, la tête de forçat.

Seul effroyablement

on voir les pores de sa peau :

tout de lui est immense

tout de lui est infime.

C'est tout. Rien d'autre

sinon simplement

qu'il omit de crier

avant de s'écrouler.

 

*

Blessure 

Des oiseaux ensanglantent le ciel, 
les pas d'enfants et de bohémiens 
trouent la neige dure, plus vierge 
qu'une sérénade. Mais c'est ça qui est beau, 
la blessure incessante 
faite à la splendeur.

 


         Même dans l'obscurité

         traduction Lorand Gaspar et Sarah Clair

         Orphée / La Différence, 1991

 

*

Lettre

Tu m'as hébergé pour une nuit. 
partageant ton oreiller. Évangile. 

Tu es splendide. Je ne comprends rien. 
Il n'y eut que bonté point de sexe. 

Encore et encore je pleure. 
Pas à cause de toi. Pour toi. Pour moi. 

Heureux ceux qui pleurent. 
Tu m'as hébergé pour une nuit. Tu m'habites

                                                          à jamais. 

 


           Trente poèmes

           traduction Lorand Gaspar et Sarah Clair

           éditions de Vallongues, 1990.

*

Différence

Entre un mille-pattes et un flamant rose,

entre la chaise électrique et le lit nuptial,

le cratère d’un pore et
l’éclat d’un front rayonnant :

aucune différence. Il n’y a qu’une seule

                                                          différence,

c’est lorsqu’on dit : « Je suis bon »,
ou bien—ce qui est rare—que l’on dit :

                                                      « tu es bon »,

mais tout ceci n’est que cette sorte de

                                                           différence

pour laquelle Dieu se dit en lui-même :

tout ça c’est la même chose. 

           Poèmes choisis

           traduit par Lorand Gaspar et Sarah Clair

           Gallimard/Budapest : Corvina, 1982.

*

Agonia Christiana

 

Avec ses brises, avec ses fleuves,

l'aube est si loin encore !

Je mets ma chemise et mes vêtements.

Je boutonne ma mort.

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